Les films d'espionnage en général et les James Bond en particulier. J'ai toujours adoré regarder les James Bond, surtout ceux avec Sean Connery et Roger Moore, mais dès qu'entrait en jeu une quelconque société secrète, genre le SPECTRE, je peinais à suivre l'intrigue. Soit mon intelligence était limitée - j'étais trop laborieuse à comprendre des finesses et complexités -, soit on ne nous disait pas tout - because secret-défense -, soit les scénaristes expédiaient des explications mal ficelées - dissoudre la faiblesse du scénario dans une succession d'actions pétaradantes pour ne pas laisser au spectateur le temps d'admettre… qu'il n'y a rien à comprendre. Plus tard, c'est cette explication que j'ai privilégiée.

Je questionnais mon père - "Hé là, je comprends plus ce qui se passe ! - Chut enfin, suis un peu !" Ou bien cet être supérieur faisait preuve d'une intelligence hors-normes, ou bien il était de connivence avec les services secrets de Sa Majesté, ou bien il acceptait d'être dupe des faits. J'ai agi de même avec mes petites soeurs : quand elles me demandaient des explications, je prenais un air instruit et absorbé et leur demandais de se concentrer. Comme mon père, je ponctuais les exploits de 007 d'un "oh, joli !" J'ai aussi anticipé à voix haute quelques péripéties - au bout d'un moment, on comprend que c'est seulement l'action qui fait avancer l'action. En vrai, combien de cassettes ai-je rembobinées pour tenter de suivre une logique qui m'échappait...

Tous les films sur les gang en général et sur la mafia en particulier, m'ont laissée dans une expectative sans nom. Consciente qu'il s'y jouait quelque chose d'important qui me dépassait, j'accordais aux scénarios une profondeur et un sens de l'implicite qui trompaient mes faibles capacités. Je retournais l'histoire du Parrain dans tous les sens pour en percer les zones obscures et finissais par me dire que tous ces films reposaient un peu sur des secrets de famille auxquels je n'aurais jamais accès.

Mais il y eut bien pire pour dénoncer les failles de mon ignorance : j'ai nommé les films sur la physique en général et l'espace en particulier. Il n'y pas jusqu'aux banals E.T, Retour vers le futur, Apollo 13, Interstellar - et, allez, osons le dire, même Star Wars - qui ne m'aient laissée dans la perplexité. Il y a toujours eu un moment où je ne comprenais rien. Dès qu'une scène s'appuie sur des raisonnements scientifiques, ma vue se brouille, mes oreilles bourdonnent, je lâche le fil. Ce qui fait que l'instant d'après, j'en suis toujours à l'instant d'avant pour tenter de démêler les fils. Est-ce que, vraiment, sous prétexte de science-fiction, on ne nous sert pas des salades brouillées derrière des calculs et des démonstrations ?

Un ami scientifique, qui s'y connaît très bien en rationalité, à n'en pas douter, m'a dit qu'il ne fallait pas tout mélanger, qu'il y avait des films un peu bâclés, et d'autres qui jouaient sur notre sagacité. Que c'était pour ne pas ennuyer le spectateur que les scénaristes ne s'étendaient pas sur des explications interminables, mais qu'en général, ça se tenait.

Il se trouve que je fais partie des spectateurs chez qui ce qui fonctionne, c'est le principe d'illusion. Or, ce principe est rompu dès que vous vous mettez à interroger le sens de ce qui se dit : la réalité fait retour dans la fiction, elle en brise le cadre et vous force à y revenir au prix d'un renoncement à la cohérence. D'autres spectateurs sont, eux, pris par l'action et l'image : le sens est pour eux anecdotique, les dialogues décoratifs et la cohérence un bel emballage.

Les grands complexes cinématographiques ont des salles très bien équipées à cet effet. L'écran vous plonge dans l'image, le dolby-sound stereo system vous embrasse, ce qui fait que vous pouvez regarder un film comme vous vivez votre vie : en ne comprenant rien et en consommant bien.

 

 

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